MON VILLAGE

ANECDOTES

La Maison de la Thune

Jean DUMAS

L’histoire étonnante qui va suivre se passe dans la maison familiale que nous possédons dans le petit village de LA PAILLETTE, hameau principal de la commune de MONTJOUX, dans la Drôme provençale.

En ce début du 21ème siècle, nos enfants et leurs 7 enfants mobilisent la maison en totalité une ou deux fois par an, à Noël et en août. Mais plusieurs s’y installent, séparément, en cours d’année, selon leurs congés scolaires. En outre, certains y convoquent leurs amis pour un séjour plus court, si bien que la maison n’est jamais vide bien longtemps. Tout le confort s’y prête, chauffage central, grande douche, chambres équipées, cuisine installée et, surtout, par l’utilisation du wi-fi, smartphones ou tablettes de tous modèles. Ils peuvent se connecter ensemble ou séparément et se relier à tous les points du monde. C’est à qui se relie le plus vite et le plus loin. Quelques clics, et hop ! ça y est.

L’autre jour, Théo, le fils d’Olivier, pousse un cri d’une voix enrouée s’adressant à tous :

« Ecoutez, mais taisez-vous donc, écoutez ce que j’entends. Et vous, vous entendez ? »

« Non, calme-toi, Théo, on travaille ! »

« Je vous assure, il y a un drôle de bruit, comme une voix, qui vient de loin. »

Les autres se taisent, intrigués, incrédules.

« On n’entend rien, tu entends des voix ? C’est ton imagination qui pète les plombs. »

Mais voici que Simon rompt le silence :

« Moi aussi, j’entends, je capte, et je ne divague pas du tout. Branchez-vous sur mon canal et tendez l’oreille. Je monte le son. »

Il y a des grésillements, puis :

« ça y est ? Vous captez ? Sachez qu’il y a trente ans, vos parents, non : vos grands-parents, ont décidé d’améliorer le tirage de la cheminée, juste derrière vous. Elle fumait et l’accès au four à pain posait question. Il fallait sans doute réhausser le foyer.

Grésillements, « tsii-tsit-tsit », puis ….

Avec un ami, ils ont déchaussé les deux pierres d’angle du foyer pour les remonter sur un nouveau socle, et, surprise, ils ont découvert un trou jusque-là caché, où reposait une pièce de monnaie, de 5 francs, qu’on appelle une « thune », datée de 1837, avec une tête gravée de Louis Philippe 1, roi des français.**

« Mais qui parle ? demande Simon à la voix. Où êtes-vous donc ? Loin, très loin, il me semble. Allez-y, répondez ! »

« Je suis la thune qui était sous la pierre d’angle. J’ai beaucoup de choses à vous dire, et je vais vous les dire. D’accord ?

« Bien sûr ! » dirent les jeunes d’une seule voix

« Quand on m’a placée sous la cheminée, je venais de la maison d’à côté, l’étude du notaire qui s’appelait Maître Bertrand. C’était vers 1830. Depuis plusieurs années, il tenait son bureau dans cette pièce voûtée, comme elle l’est encore aujourd’hui. Ses consultants restaient dans la rue et faisaient affaire avec lui par la fenêtre laissée ouverte. Sur son écritoire il inscrivait les textes utiles des actes notariés et déposait l’argent de la transaction dans une cache creusée dans le mur à droite sous le niveau du socle de la fenêtre. C’était son coffre. Et c’est là que j’ai été d’abord déposée.

Tsitt…tsitt… nouveaux grésillements qui troublent le son de la voix. Le surprenant de la chose, c’est qu’on dirait une voix de petite fille.

Tsitt… tsitt… puis la voix reprend :

Lorsque vos grands parents ont fait crépir les murs et remplacer les débris d’un parquet pourri par un dallage pour moderniser l’ancienne étude, ils ont découvert la cache de la caisse du notaire,. Mais elle était vide ! Aujourd’hui, ce qui était l’étude notariale est devenue votre studio pour jouer avec des vidéos.

Je me suis trouvée mêlée à toutes les pièces de monnaie déposées par le notaire dans sa caisse, et elles m’ont appris l’histoire de la maison d’alors.

En ce temps-là, l’étude était la dernière maison du village. La rue poursuivait son trajet en allant vers VESC.

C’est Maître Bertrand qui …

Tsitt… tsitt… tsitt… : nouveaux grésillements…

... qui décida d’allonger la maison pour ajouter le vaste escalier d’aujourd’hui, qui offre une deuxième aile à la maison. Il permet ainsi d’accéder au troisième niveau C’était dans les années 30 de la monarchie de Louis Philippe. Vous me suivez?

Oui, Oui, s’écrièrent les 7 bouches des 7 jeunes avides d’entendre la suite. S’il y avait une suite ? Mais il en eut une :

Mes jeunes amis, il vous faut savoir que la bâtisse du notaire touchait à la limite de la commune de Montjoux-La Paillette ! La bâtisse suivante, où se trouvent maintenant la cuisine, la table à manger, et la cheminée, plus les chambres au-dessus, était cadastrée dans la commune de Vesc, qui descendait jusque là ! Ce qui envenima les rapports antre les deux communes pendant plusieurs dizaines d’années. Les taxes dues aux communes n’étaient pas les mêmes à La Paillette-Montjoux ou à Vesc ! Si bien que le propriétaire, le notaire puis ses successeurs, décidaient d’habiter tantôt à La Paillette, tantôt à Vesc, selon les taxes les moins élevées…

Norine s’approche alors du micro de sa tablette et demande à papi qui vient d’arrive , « papi, c’est une blague, C’est toi qui a inventée cette histoire ? C’est pas possible, avoue ! »

Alors papi, qui écoutait l’échange avec la voix de l’inconnu de la thune, explique que, lorsque mamie et lui avaient acheté la maison actuelle, le notaire d’alors, qui habitait à Dieulefit, s’appelait lui aussi Maître Bertrand. Ce notaire, qu’ils connaissaient bien, leur avait alors demandé de venir visiter leur nouvelle maison, pour visiter l’étude où son père, et encore bien plus avant son arrière grand-père, avaient été notaires. Si, si, c’est vrai ! Car il y avait eu trois générations de Maître Bertrand qui avaient été notaires à La Paillette, puis à Dieulefit ensuite ! La pièce qui avait servi d’étude était alors en travaux, mais Maître Bertrand, le notaire actuel, fut très ému de sa visite..

« Et nous, poursuivit mamie, heureux nouveaux propriétaires, nous étions tout surpris qu’il y avait eu un notaire dans la commune, qui plus est dans notre maison. »

Mais la voix se fit soudain plus aigüe et tous, grands-parents, enfants et petits enfants se mirent les mains sur les oreilles pour atténuer le ton de la voix. Celle-ci s’écria :

« Arrête ton clapet, mamie ! Laisse-moi raconter tout ce que j’ai à dire.

Donc, après quelques mois de l’installation de vos grands parents, deux ans je crois, je vis un jour arriver une grosse camionnette chargée de planches. J’appris que le charron de `Dieulefit apportait une très belle et vieille armoire que les nouveaux propriétaires lui avaient achetée. L’artisan avait accepté de la leur vendre à une condition : l’installer dans une maison du pays. « Je ne veux pas qu’elle quitte la région, et je veux la remonter moi-même avec les chevilles que j’ai apportées ». Ce qu’il fit en un rien de temps, en quelques gestes d’un charron très habile. Il en profita pour visiter l’ensemble de la maison, et s’exclama en voyant le parquet de la chambre devenue la chambre des enfants. « Vous n’aurez jamais d’araignées dans cette chambre, le parquet est fait du bois de châtaigner et, regardez : les clous ont été forgés sur place, on ne connaissait pas encore les clous mécaniques modernes. » **

Mamie interrompit la voix pour s’exclamer : « C’est bien la preuve que cette partie de la maison est très ancienne, vous le confirmez ! Et le sol du grenier d’au-dessus date de la même époque, où on gardait le sel pour toute l’année, en vrac à même les planches. »

Ah, mamie, vous aussi vous me parlez ! Savez-vous qu’avec votre époux vous avez pu traverser l’épaisseur du temps, grâce au wi-fi installé par vos enfants ? Vous savez donc que les murs parlent, que les objets, surtout les plus anciens, racontent la vie, la vie d’hier, la vie de votre aujourd’hui qu’elle a préparée. Maintenant, mon rôle se termine. La cheminée fume encore quelque peu, et moi, je dors désormais dans la boite à trésor de la famille et je me tais. Je ne suis plus qu’une pièce de monnaie pour collectionneur.

Salut!

Sources et précisions ayant inspiré la fiction :

Le cadastre napoléonien

Aujourd’hui, la maison actuelle appartient à la commune de Montjoux, hameau de La Paillette.

Maître Léo Bertrand est bien descendant des notaires du même nom.

La charron dieulefitois installant l’armoire était M. Auber.

Avant d’habiter la maison de la thune, les Dumas ont mis la toiture en état, ajouté (avec autorisation) la balcon et la salle de bain de la chambre, ouvert la cuisine sur le dehors permettant une entrée plus pratique, installé des toilettes à l’étage.

La maison fut habitable dès la naissance de leur troisième enfant, Sylvaine, née à Dieulefit quelques mois plus tôt. Les eaux usées furent branchées sur le réseau municipal alors que l’évier de la cuisine se déversait directement dans la ruelle devenue la « rue haute du temple ».

Le voyage de la statue de l'Enfant Jésus de Prague

Claire Chastan

Cette anecdote raconte une histoire vraie qui s'est déroulée de décembre 2015 à juin 2016. Elle a pour cadre le Vieux Village de Montjoux, et plus précisément son église.

statue de l'Enfant Jésus de Prague

Avec plus d’humour que de ressentiment,
Nous allons ici vous raconter comment,
Elle est partie, puis revenue, sans blague,
La statue de l’Enfant Jésus de Prague.

Cette statue qui représente Jésus enfant,
La Terre dans une main, de l’autre bénissant,
Avait été offerte par une famille pieuse,
En remerciement d’une guérison heureuse,
Et ainsi, depuis de très nombreuses années,
Saint Etienne de Montjoux n’avait plus quitté.

Mais un jour de décembre, le nouveau curé
Imagina pouvoir se l’approprier.
Ce jeune père, très dévot et un peu fougueux,
De la statue était tombé amoureux.
Prétextant le manque de soins et l’abandon,
Il voulait lui offrir meilleure condition.

Pas d’accord, les habitués de la chapelle
Disaient que la statue resterait chez elle.
Mais le soir, sans bruit, bravant l’interdiction,
Il emporta l’objet de son affection.
Alarmés les paroissiens de Montjoux
Réclamèrent leur bien, qu’on leur rende, c’est tout !
Interrogé, le prêtre nia le larcin,
Il disait avoir agi pour son seul bien.

Pendant des mois, au désarroi des fidèles,
De l’absente on n’obtint plus aucune nouvelle.
Pourtant la statue était bien quelque part,
On la disait cachée à Montélimar.
Interpellé par lettre, l’évêque de Valence
Ne répondit pas mieux que par un silence.
Il s’en fallut de peu qu’on franchît une étape,
En portant la chose jusque devant le Pape !

Une dame de Dieulefit, émue par l’affaire,
De la restitution fut l’intermédiaire.
Auprès du diocèse, elle avait ses entrées,
Et trouva la manière de bien négocier.

C’est ainsi qu’on la revit, c'était en juin,
La belle attendue, portée par d’autres mains.
Sous le cerisier on fit une petite fête,
Et la joie brilla dans les yeux de Gilberte.
L’église de nouveau accueillit sa statue,
C’était comme retrouver un enfant perdu.

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